Les réseaux sociaux interdits avant 16 ans ?

(article paru en avril 2016)

En décembre dernier, la nouvelle faisait la une de tous les journaux : l’Europe envisage un projet de loi visant à interdire les réseaux sociaux aux jeunes de moins de 16 ans.  Cette nouvelle, lancée telle une bombe, a suscité de vives réactions auprès des spécialistes.  Beaucoup considèrent ce projet de loi irréalisable et estime qu’il constitue un véritable danger pour la liberté d’expression et l’épanouissement des plus jeunes.

La mesure, fruit d’un accord entre le Parlement européen et les États membres, vise à réglementer la protection des données personnelles en ligne et, notamment, à interdire la collecte de ces données pour les jeunes de moins de seize ans.  Elle a également pour intention de réduire l’exposition des jeunes aux risques de cyber-harcèlement, de pédophilie ou de radicalisation.

Même si, pour des raisons administratives, cet accord ne pourrait pas être d’application avant 2018, il laisse déjà perplexe.  La mise en place d’une telle mesure semble en effet difficile.  Il suffit, pour s’en convaincre, de constater que, alors que l’âge minimum requis sur Facebook est de 13 ans aujourd’hui, plus de 60 % des jeunes de 11 à 13 ans seraient déjà en possession d’un compte sur ce réseau social. Puisqu’ils sont nombreux à avoir déjà menti sur leur date de naissance sans que le système ne soit en mesure de vérifier leur âge, on imagine mal pourquoi il n’en serait pas de même dans le futur. Surtout que, soyons réalistes, les technologies évoluant constamment, les jeunes disposeront d’un nombre sans cesse grandissant de possibilités de se connecter à l’abri du regard des adultes.

De plus, il apparait que la règle ne sera pas la même selon les pays de l’Union européenne.  Chaque état membre pourra en effet fixer librement l’âge minimum requis pour l’accès à un réseau social entre 13 et 16 ans. On peut dès lors se demander si ce manque d’uniformisation ne constituera pas un frein supplémentaire à l’efficacité de la mesure envisagée.

Interdire ou éduquer à… ?

Internet joue aujourd’hui un rôle fondamental dans la vie des jeunes.  Selon les experts, leur interdire l’accès aux différents réseaux sociaux pourrait avoir des conséquences néfastes sur leur épanouissement.  D’abord parce que cette interdiction leur ôterait leur droit fondamental à s’exprimer. Ensuite, parce que cela supprimerait ce qui constitue pour beaucoup la seule opportunité de révéler un mal-être à son entourage.  Enfin, parce que ce système pourrait être source d’une nouvelle fracture numérique entre ceux qui auront le consentement de leurs parents pour se créer un compte ou ceux qui mentiront sur leur âge pour le faire, et ceux qui n’y auront pas accès.

Contrairement aux idées reçues, les réseaux sociaux sont loin d’être de simples lieux de divertissement.   Ils sont aussi, et même surtout, des lieux contemporains d’expression et d’information faisant partie intégrante de la réalité des jeunes et de la société toute entière.  Ils constituent de véritables lieux de construction personnelle et sociale.

Certes, des dangers potentiels existent et les moins de 16 ans peuvent constituer des proies faciles.   Mais faut-il pour autant leur en interdire l’accès de façon aussi catégorique ?

Le trottoir constitue lui aussi un lieu aux multiples dangers. Le jeune risque à tout moment de s’y faire renverser ou d’y faire une mauvaise rencontre.  A titre d’exemple, on se souvient d’Élisabeth Brichet, enlevée par son prédateur à proximité de son domicile. Faudrait-il dès lors interdire aux enfants et adolescents de sortir seuls avant l’âge de 16 ans afin de les protéger de tout risque ?   Non, bien entendu.  Via des cours de sécurité routière, on a logiquement privilégié l’apprentissage des bons comportements à adopter.

Pourquoi n’en serait-il pas de même pour les réseaux sociaux ?

Plutôt que d’interdire les réseaux sociaux sous prétexte qu’ils peuvent s’avérer potentiellement dangereux, apprenons aux jeunes à les utiliser de façon critique et raisonnée, éduquons-les à ces médias et permettons-leur d’en tirer profit dans leur quotidien.

 

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